Accueillir ses émotions grâce à la pleine conscience
Savez-vous combien d’émotions vous traversent chaque jour ?
Plusieurs dizaines ? Une centaine peut-être ? En réalité, certaines études estiment que nous ressentons jusqu’à 400 émotions par jour.
Il ne s'agit pas de 400 émotions uniques telles que la colère, la joie ou la peur, mais de variations fines et subtiles. Par exemple, un petit agacement, une légère déception, un sentiment d’impatience peuvent être considérés comme trois émotions distinctes.
La majorité de ces émotions sont fugitives et souvent inconscientes. On ne les identifie pas toujours, mais elles influencent nos pensées, notre posture, nos choix, nos relations… En d’autres termes : notre vie.
Nous sommes donc des êtres émotionnels, que nous le voulions ou non ! Refuser ou refouler nos émotions, c’est se refuser soi-même. Et c’est s’embarquer dans un schéma répétitif épuisant, car les émotions reviennent toujours.
Ce que nous allons aborder dans cet article, c’est comment apprendre à cohabiter avec nos émotions et en faire une force. Car nos émotions, tout comme notre corps ou notre mental, nous parlent.
Les 3 dimensions de l’être humain
L’être humain est composé de trois dimensions qui interagissent entre elles : le corps, l’esprit et le cœur.
Le corps → sensations, posture, respiration, somatisation, rythme biologique
L’esprit → pensées, mental, mémoire mentale, jugements, croyances, interprétations
Le cœur → émotions, ressenti, affect, vulnérabilité, besoin de lien, mémoire affective
(Certaines traditions parlent d’âme ou de spiritualité à la place du coeur quand d’autres les placent en tant que dimension supplémentaire. L’être humain est donc doté de quatre dimensions : corps, esprit, coeur et âme).
Ignorer nos émotions, c’est donc ignorer l’une de nos dimensions. Et ignorer l’une de nos dimensions aura systématiquement un impact sur les autres.
Un exemple simple
Votre responsable vous a demandé de prendre en charge un travail supplémentaire pour remplacer un collègue absent. Vous acceptez car il vous semble que vous n’avez pas le choix (l’esprit). La charge de travail vous procure du stress, de la fatigue, de l’agacement, et ajoute à la pression que vous ressentez déjà habituellement (le cœur). Vous ignorez ces émotions car vous n’avez pas le temps de vous plaindre ou de vous morfondre (l’esprit). Au petit matin, vous vous levez pour partir au travail mais votre dos vous fait terriblement mal, on dirait même qu’il est bloqué (corps - somatisation).
Que se serait-il passé si vous aviez pris le temps d’écouter vos émotions ? Peut-être auriez-vous fait une pause, demandé un délai supplémentaire ou une aide. Il y a de fortes chances que ces émotions ne se soient pas logées dans votre dos, comme un poids de plus à porter.
Prendre le temps de s'écouter
Écouter ses émotions demande de prendre le temps. C’est un travail quotidien qui peut paraître long au début, mais qui devient un réflexe naturel avec la pratique. Il faut donc accepter de prendre du temps pour soi, et de se choisir en priorité.
J’ai conscience que notre société ne valorise pas l’écoute des émotions ou le fait de prendre le temps. C’est même plutôt l’inverse. Mais il ne tient qu’à vous de vous placer à contre-courant.
La pleine conscience, une pratique précieuse pour accueillir ses émotions
La pleine conscience, disait une inconnue, c’est « arrêter de faire autre chose ».
C’est aussi la pleine présence à ce que l’on fait dans le moment présent, vivre l’instant sans se laisser happer par le mental, observer ses pensées sans s’y accrocher, remarquer ce qui se passe en soi, ici et maintenant, se reconnecter à son corps et à ses ressentis…
Oui, la pleine conscience, c’est tout ça, mais c’est aussi l’art de porter une attention délibérée, bienveillante et sans jugement à ce qui est présent, en soi et autour de soi, moment après moment. C’est-à-dire accueillir l’expérience telle qu’elle est, qu’elle soit agréable, désagréable ou neutre, sans chercher à la modifier, à la fuir ou à la contrôler. C’est une présence ouverte à ses pensées, ses émotions, ses sensations corporelles, et à l’environnement, avec curiosité et douceur.
Et cette dernière définition renferme tout le cœur de la pratique car la pleine conscience, ce n’est pas être présent pour être calme. C’est être présent, quelle que soit l’émotion, et l’accueillir sans jugement, avec curiosité et douceur. C’est être conscient de la colère qui nous traverse, des sensations inconfortables qu’elle peut procurer dans notre corps et notre esprit, et observer tout cela avec douceur.
Alors voilà, tout le secret des émotions se trouve ici : comment pouvons-nous nous observer avec douceur ?
Dialogue intérieur : un exemple concret
Situation : Une personne ressent de la tristesse mêlée à de la frustration après une dispute avec un proche.
Version 1 : Lutte intérieure (sans pleine conscience)
"J’en ai marre de ressentir ça. Pourquoi je suis toujours aussi sensible ?"
"Il/elle m’a encore blessé·e, c’est toujours pareil. J’aurais dû me taire."
"Il faut que j’arrête de penser à ça. C’est ridicule de pleurer pour si peu."
"Allez, reprends-toi. T’as du boulot. T’as pas le temps pour ces conneries."
(Soupir. Corps tendu. Boule au ventre. Rumination.)
Posture mentale : rejet, jugement de soi, tension accrue
Conséquences : fatigue mentale, accumulation, répétition du schéma
Version 2 : Pleine conscience
"OK. Je sens que je suis triste et tendu·e."
"Il y a une boule dans ma gorge… une chaleur dans la poitrine. Je n’aime pas ça, mais c’est là."
"C’est difficile, cela me questionne beaucoup mais je n’ai pas besoin de comprendre tout de suite. Juste sentir que c’est là."
"C’est désagréable, mais ça ne va pas durer. Je respire avec ce que je ressens."
"J’ai besoin de douceur. Peut-être juste poser la main sur mon cœur, quelques instants. Prendre un moment pour moi."
Posture mentale : observation, accueil sans jugement, retour au corps
Conséquences : apaisement progressif, ancrage, régulation émotionnelle
Vous voyez la différence de posture ?
Nous n’apprenons pas à être doux et compréhensif envers nous-même. Cela ne vient ni naturellement ni facilement. Mais si l’on y réfléchit un instant… n’est-ce pas ce qui a le plus de sens ?
Est-ce vraiment naturel de se parler mal ? De se renier ? De se flageller ? De se couper de soi ? D’agir contre soi ?
La pleine conscience nous propose une autre voie.
Une pratique à contre-courant
La pleine conscience demande du temps, de la pratique, du courage. Elle demande d’oser plonger en soi, d’oser revenir à soi, quitte à être à contre-courant.
Et elle demande beaucoup de douceur.
Elle est, en elle-même, à contre-courant de ce que nous demande la société actuelle : performance, réussite, compétence.
En pleine conscience, il n’y a rien à réussir. Et c’est une notion difficile à intégrer, car même en méditation, nous cherchons souvent à "bien faire", à "ressentir comme il faut".
Mais la pleine conscience ne nous demande rien. Juste d’accepter ce qui est, même de ne rien ressentir certains jours.
Elle ne nous demande pas non plus d’arrêter de fuir. La fuite, comme la compensation ou la dissociation, sont des mécanismes de défense naturels. Et si les émotions sont trop fortes, alors fuyons. Mais fuyons en conscience. Peut-être que la prochaine fois, nous pourrons accueillir un peu plus.
Avancer vers soi
Nous avançons tous à notre rythme, en fonction de notre histoire et de nos ressources.
Lire cet article, par exemple, est déjà un pas vers vous-même. Vers votre vérité.
La pleine conscience peut commencer par une toute petite chose : se brosser les dents, préparer le café, ouvrir la fenêtre, écouter le chant des oiseaux.
Et petit à petit, on avance vers soi. C’est un chemin qui ne comporte ni règle, ni injonction. Il est juste là.
Pour aller plus loin…
Si vous avez envie d’approfondir la pratique de la pleine conscience, je vous conseille de vous tourner vers le programme MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction). Il s’agit d’un programme structurant et progressif de 8 semaines, créé par Jon Kabat-Zinn, professeur émérite à la Faculté de Médecine de l’Université du Massachusetts.
Il existe de nombreux instructeurs en France, et plusieurs sessions ont lieu chaque année. C’est un programme riche et transformateur, durant lequel on expérimente véritablement la pleine conscience. J’ai personnellement eu la chance de participer à celui proposé par l’Institut de pleine conscience de Belgique, avec la fondatrice et instructrice Gwénola Herbett.
Si je me permets de vous conseiller ce type de programme, c’est parce que la pleine conscience - tout comme se familiariser avec ses émotions - demande du temps et de la pratique. Il s’agit de quelque chose de très subtil et le fait d’être accompagnée facilite l’apprentissage et la compréhension.
Si vous ne souhaitez pas vous engagez dans un programme comme celui-ci, n’hésitez pas à rechercher des séances de pratique de pleine conscience dans votre région ou à vous faire accompagner par un professionnel.
Enfin, pour ceux d’entre vous qui avez des difficultés à vous mettre en lien avec vos émotions (émotions trop difficiles, blocages anciens ou traumatismes), je vous invite à lire dans un premier temps l’article suivant : Accéder à ses émotions : déconstruire avant de ressentir.